Jolly : Moi, je suis né en 1965 à Alstahaug au nord de la Norvège et à présent je vis à Hell, qui se trouve au centre du pays. J'ai grandi avec la musique, car mon père était organiste à l'église, professeur de piano, chef de fanfare et, il dirigeait aussi deux chorales. Quant à ma mère, elle avait beaucoup de 45 tours. Le premier instrument dont j'ai joué, c'était de la trompette et j'avais 7 ans. J'ai acheté mon premier harmonica à 12 ans et ma première guitare à 16 ans. A présent, je suis le président du Hell Booking AS qui s'occupe de management d'artistes. Le blues prend la plupart de mon temps, mais je m'arrange pour qu'il m'en reste encore pour ma femme, ma fille, mes trains en modèles réduits, ma collection de cartes postales, les voyages et ma pièce personnelle que j'ai aménagée dans le style des années 50.
Quels genres de musique écoutiez-vous quand vous étiez adolescents et vous rappelez-vous du premier blues que vous avez entendu ?
Moe : Quand j'étais jeune, dans le rayon blues, j'aimais B.B King, Buddy Guy et bien sûr les albums de John Mayall de 1966 à 1968. Pour le premier blues que je me rappelle avoir entendu, si on accepte que la version d'Elvis Presley de That's Alright Mama soit un blues, c'est ce titre là.
Jolly : J'écoutais Elvis Presley, Rick Nelson, Connie Francis, Bill Haley et quelques autres. J'ai entendu pas mal de disques de blues des années 50, mais la première fois que j'ai entendu du vrai blues, c'était en 1974. Ma grand-mère m'avait donné de l'argent pour m'acheter Waterloo par Abba, après le concours de l'Eurovision. Il m'est resté approximativement l'équivalent de 2 Euros après cet achat et j'ai cherché quelques cassettes pas chères. J'en ai attrapé une qui avait une belle jaquette, c'était Muddy Waters Live At Mr. Kelly's, de 1973. Le reste c'est de l'histoire, j'étais accro !
Y a-t-il un musicien ou un groupe qui vous ait impressionné en particulier et si vous deviez citer 3 ou 4 musiciens qui vont ont influencé, quels seraient-ils ?
Moe : Quand j'étais jeune, j'écoutais principalement des artistes Américains, mais quand le rock anglais est arrivé en 1963-64, mes groupes favoris étaient les Pretty Things, les Stones, les Animals et les Them avec Van Morrison. Quant aux influences, je dirais Ry Cooder, Alvin Youngblood Hart, Son House, Randy Newman et beaucoup d'anciens.
Jolly : Ceux qui m'ont impressionné : sans aucun doute, Louis Jordan et Ray Charles et bien entendu Elvis. Pour les influences, je nommerais James Cotton, Elmore James et Albert Ammons.
Quand avez-vous décidé de devenir professionnel ?
Moe : Au début des années 70, j'étais musicien professionnel au sein d'un groupe rock Norvégien qui s'appelait Prudence. Depuis ce temps là, je joue pour le plaisir. Avec Jolly, avant le duo, nous avions un groupe, tendances rock et funky, qui s'appelait Jolly Jumper & the Bluesbusters.
Jolly : Je travaille à plein temps dans la musique depuis une douzaine d'années. J'ai commencé de jouer avec Moe en 1991. Avant je faisais juste des jams. La Norvège est un petit pays de 4,5 millions d'habitants, avec à peu près 80/90 clubs de blues dont seulement 20/ 30 marchent bien actuellement. Il est difficile de vivre de sa musique à plein temps si on ne se situe pas à l'international, sur la scène européenne. La plupart des musiciens ont un autre job. Nous faisons entre 60 et 100 concerts par an.
Comment vous êtes-vous rencontré ?
Moe : Très tard, un soir dans un club de motards, nous avons jammé ensemble, c'était en 1991.
Jolly : Moe dit vrai, je précise juste qu'il était 5 heures du matin et que c'était après le premier Hell Blues Festival.
Hell Blues festival. Quel nom ! Que signifie Hell en Norvégien ?
Jolly: En vieux norvégien Helle désigne une petite montagne. Tout le périmètre de Hell est bâti sur une petite montagne.
Comment est la scène blues en Norvège ?
Jolly : Durant les 10 ou 15 dernières années il y a eu beaucoup de musiciens ou de groupes de blues qui ont émergé en Norvège. Je ne sais pas combien il en reste exactement à l'heure actuelle, mais ça doit varier entre 80 à 100 bands de bonne qualité. Une majorité joue dans le style jump swing blues 40's/50's. Il y a aussi pas mal de groupes de rock-blues qui ont du succès. Un peu à la marge on trouve Bjorn Berge et Dockery Dawgs. Je pense que nous devons être les seuls à jouer en acoustique à un haut niveau.
A part le blues, quelle sorte de musiques aimez-vous écouter quand vous êtes seuls ?
Moe : Tout dépend de l'humeur. J'aime écouter Randy Newman ou Jimmy Smith, mais parfois j'écoute de la musique classique ou du rock anglais des années 60, ou encore du jazz.
Jolly : Moi j'aime bien le jazz et le bon vieux Country & Western, avec des gars comme Hank Williams, George Jones et quelques autres. Et puis nous avons le meilleur DJ des radios blues d'Europe, Mr. Geir Hovig, qui anime « Eldorado » deux fois par semaine sur les ondes de la radio nationale. Sinon il y a du blues par-ci, par-là, sur les autres stations, mais ce n'est jamais assez.
Vous jouez souvent à l'étranger, y a-t-il un public qui vous plaise en particulier et comment est le public norvégien?
Moe : J'aime l'Angleterre et la Suisse, mais nous avons aussi un bon accueil en Allemagne, en Suède et en Grèce. En Norvège il y a des hauts et des bas, mais les 15 dernières années ont été assez bonnes. Il y a beaucoup de festivals, avec des bons et des moins bons.
Jolly : Nous avons toujours un bon public en Allemagne et en Grèce, tout comme en Norvège.
Quels sont vos plus beaux souvenirs de musiciens ?
Moe : Tous mes bons souvenirs sont liés au fait de jouer du blues acoustique, grâce à ça nous avons eu beaucoup de bons moments et nous avons rencontré plein de gens sympathiques. Mais mon meilleur souvenir, c'est la première fois que Champion Jack Dupree est venu chez moi, à la maison, dans les années 70.
Jolly : Quand nous avons joué au Blues Balls Festival à Lucerne en Suisse, il y a quelques années. Un samedi soir, 29 degrés, B.B King jouait au KKL Center et nous jouions dehors, juste à côté, au même moment. B.B a joué devant une salle de 700 personnes, nous en avons eu 3000 dehors. Quelle soirée ! Autre très grand souvenir : j'ai passé une journée entière en compagnie d'Albert Collins, deux semaines avant sa mort, en 1993...quel bonhomme !
Quels types de guitares, mandolines, harmonicas utilisez-vous ?
Moe : Je joue sur une Gibson Blues King 6 cordes, une Martin 12 cordes, une National Suprosteel et une mandoline qui n'a pas de marque.
Jolly : J'utilise des harmonicas Hohner, marine band et bluesharp, un kazoo Zobo et une guitare Takamine.
Sur votre site web, on peut lire que vous vous rendez dans les écoles pour promouvoir le blues dans les classes d'histoire et de musique. Quelle est votre démarche ?
Moe et Jolly : Oui, nous avons fait ça quelques fois. Vous savez, en fait l'histoire du blues, c'est l'histoire de la musique rock. Vous ne pouvez pas parler aux gamins de but en blanc de Robert Johnson, mais quand vous leur dites que Led Zeppelin et les Stones ont enregistré ses chansons, là ils écoutent ! Nous parlons aussi du racisme, de l'esclavage et du lynchage dans nos interventions. Nous mélangeons ainsi histoire et musique.
Quelque chose à ajouter ?
Moe et Jolly : Nous aimerions dire que notre boisson favorite est le Gin & Tonic !
www.jollyjumperandbigmoe.com
Gilles Blampain